CINEMA ET GUERRE FROIDE
2. Du noir et blanc à la couleur
La colorisation au cinéma remonte aux années 1900. Au tout début les bandes de pellicules étaient coloriées à la main par des ouvriers. Chaque image était colorisée une par une, le prix était donc élevé. Ainsi, dès 1904, la technique de pochoir apparaît, plus rapide et efficace. Les ouvriers devaient découper dans une copie positive de l’image pour ensuite la mettre sur l’image de base et peindre une certaine couleur. En 1907, la pose des pochoirs se robotise. Les machines découpent et posent les pochoirs en même temps. Ces multiples techniques ne s’appliquent qu’aux films tournés en noir et blanc. Georges Méliès est l'un des premiers à pratiquer la technique de la colorisation manuelle, à la base sur des photographies en noir et blanc puis sur les pellicules de ses films.
Cette célèbre image tirée du film Le voyage dans la lune de Méliès a été colorisée à la main en 1902 dans l'un des plus réputé atelier de Paris où deux cent ouvriers (principalement des femmes) s'activaient. Chaque ouvier était chargé d'une couleur qu'il devait appliquer sur les différentes images... Un travail titanesque !
A. Colorisation à la main
B. Le kinémacolor
Le tout premier film en couleur date de 1902 soit 7 ans avant l’invention du kinémacolor que nous verrons par la suite. La technique de Edward Raymond Turner, premier réalisateur de film en couleur, n’était pas encore très au point et demandait des moyens impossibles à fournir pour son époque. Sa technique consistait en la superposition de 3 images parallèles et projeté à une vitesse de 48 images par seconde. Mais cela ne donnait qu'une image floue, quasiment irregardable. Comme il est mort un an après sa découverte, ses ébauches n’ont été retrouvées en Grande Bretagne qu'en 2012.
En 1906 nait le kinémacolor. Afin d'obtenir des images en couleur, on remplaçait l'obturateur d'une caméra par des filtres rouge et cyan. Lors de la prise des images, la lumière passait par ces deux filtres et la couleur était reconstituée aproximativement. Une image sur deux était cyan et l’autre était rouge. Comme ces images était projetées rapidement, grâce à la persistance rétinienne, le film donnait l’illusion d’être en couleur. Cela fonctionne sur le principe de la synthèse additive des couleurs, expliquée dans la vidéo ci-dessous. Pour que le kinémacolor fonctionne parfaitement, les images devaient défiler à 32 images par seconde. Or à cette époque le maximum était de 20 images par seconde, la qualité en était donc amoindrie.
Nous avons essayé, à partir de photos prises en rafale de reconstituer le principe du kinémacolor dans la vidéo ci-dessous. Nous avons utilisées les couleurs complémentaires magenta et vert. Comme on peut le voir, l'image obtenue est désagréable à regarder et les couleurs ne sont pas parfaitement retranscrites. Si les images avaient pu être projetées plus rapidement, la qualité aurait été meilleure. Le Kinémacolor a donc vite été abandonné au profit d'un nouveau principe : le Technicolor.
C. Le technicolor
1915, l’année du technicolore bichrome ! Nous avons essayé de reconstituer cette technique de projection lors d'une expérience que nous avons retranscrie dans la vidéo suivante.
En 1932, Herbert Kalmus perfectionne le technicolor bichrome afin d'obtenir un meilleur rendu. Il met donc au point une caméra capable de filmer les trois couleurs primaires : le bleu, le rouge et le vert. Cette nouvelle caméra est appelée Technicolor trichrome, elle représente un progrès considérable, comparée à celle qui l'a précédé, elle est capable de retranscrire le bleu. Elle est basée sur un système similaire à celui du Technicolor bichrome. Elle est capable de créer trois négatifs, l’un étant sensible au rouge, l’autre au vert et le dernier au bleu. Ce procédé nécessitait une grande rigueur et une grande précision lors du tirage final, afin que les trois images se superposent exactement sur la copie.
Lors de sa sortie, le Technicolor trichrome a été boudé par les studios qui avaient déjà été déçus par le rendu imparfait du Technicolor bichrome. Les premiers à miser sur ce nouveau dispositif sont les studios Disney qui avaient pourtant refusé le Technicolor bichrome.
Le premier long métrage utilisant le Technicolor trichrome fut donc un film d'animation: Blanche Neige et les Sept Nains sorti en 1937. Il fut un véritable succès et marqua le début d'une grande carrière pour le procédé trichrome.